Titre: BURNING (2018)
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Titre Original: Beoning Réalisateur: Chang-dong Lee |
BANDE ANNONCE du film: Burning Artistes: Ah-In Yoo, Steven Yeun, Jong-seo Jeon, Soo-Kyung Kim, Seung-ho Choi, Sung-Keun Moon |
Synopsis:
Lors d’une livraison, Jongsu, un jeune coursier, retrouve par hasard son ancienne voisine, Haemi, qui le séduit immédiatement. De retour d’un voyage à l’étranger, celle-ci revient cependant avec Ben, un garçon fortuné et mystérieux. Alors que s’instaure entre eux un troublant triangle amoureux, Ben révèle à Jongsu son étrange secret. Peu de temps après, Haemi disparaît…
Sortie le: 29/08/2018 (France)
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UNE DANSE À LA RECHERCHE DU SENS DE LA VIE
Conversation entre le réalisateur LEE Chang-dong et la co-scénariste OH Jung-mi
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« J’ai rencontré pour la première fois le réalisateur LEE Chang-dong en 2010 lors de son séminaire de cinéma sur l’art de la narration. Il nous a appris que l’on n’invente pas une bonne histoire, mais plutôt qu’on la rencontre par hasard. Les bonnes histoires sont comme des êtres vivants qui se promènent tout autour de nous, et que nous reconnaîtrons à condition d’avoir l’œil, nous a-t-il expliqué. Une fois mon diplôme en poche, j’ai commencé à travailler pour lui en tant que scénariste, et au cours de ces cinq années, d’innombrables histoires ont effectivement croisé notre route, et continué à nous tourner autour. Certaines sont devenues des scénarios, mais ont été ensuite mises de côté, parce que nous n’en voyions pas la nécessité absolue de les raconter. Il semblait que nous tournions en rond à la recherche d’un chemin inexploré. C’est au moment où nous commencions à nous sentir las de cette attente que nous sommes tombés sur une nouvelle d’Haruki Murakami intitulée « Les Granges brûlées ». Comme LEE Chang-dong nous l’avait indiqué, nous sommes tombés sur l’histoire qu’il nous fallait tout à fait par hasard, au moment où nous nous y attendions le moins ». OH : Il me semble que pas mal de gens vont être assez surpris par ton choix d’adapter ce texte de Murakami. N’est-ce pas le genre d’histoire, où « il ne se passe rien », que tu conseilles à tes étudiants d’éviter ? LEE : Lorsque tu m’as conseillé de lire cette nouvelle, elle m’a un peu déconcerté, parce que c’est une histoire assez mystérieuse, mais où, en effet, il ne se passe rien. Cependant, j’ai fini par partager ton point de vue : ce mystère recèle une dimension très cinématographique. On allait pouvoir en faire quelque chose de plus grande ampleur et de plus complexe. Ces trous béants dans l’enchaînement des événements, la pièce manquante qui nous empêche de connaître la vérité, font référence au monde mystérieux dans lequel nous vivons aujourd’hui, ce monde dans lequel on sent bien que quelque chose ne va pas, sans pourtant réussir à expliquer précisément de quoi il s’agit. |
OH : Nous avons intitulé certains de nos textes « le projet de la colère », ce qui prouve bien à quel point tu tenais à parler de rage, et en particulier de celle qui anime les jeunes à l’heure actuelle. En même temps, tu voulais aussi t’éloigner de la narration traditionnelle. En quoi, à ton avis, cette histoire mystérieuse de Murakami a-t-elle donné lieu à une réflexion sur la colère ?
LEE : Il me semble qu’à l’heure actuelle, dans le monde entier, les gens de toutes nationalités, de toutes religions et de toutes classes sociales sont en colère pour des raisons différentes. La colère des jeunes est l’un des problèmes les plus urgents. Les jeunes adultes en Corée souffrent beaucoup, en particulier du chômage. Ils ont perdu tout espoir de voir leur situation s’améliorer. Ne sachant pas contre qui diriger leur colère, ils se sentent complètement impuissants. À leurs yeux, ce monde prétendument sophistiqué, où il semble facile de naviguer, et qui fonctionne à la perfection, prend l’allure d’un casse-tête géant. Leur situation rappelle exactement le personnage du roman de Murakami qui se sent complètement apathique face à cet homme dont la véritable identité est auréolée de mystère.
OH : C’est vrai. Je crois que plus on se sent banal et insignifiant, plus on est capable de comprendre ce sentiment d’impuissance. Moi aussi, j’ai senti la colère monter en moi lorsque j’ai lu l’expression « granges inutiles » dans le texte original, parce que, métaphoriquement, on pouvait l’interpréter comme une référence à des « personnes inutiles ». C’est aussi le fait que la nouvelle de Murakami porte le même titre qu’une nouvelle de Faulkner qui t’a intrigué, n’est-ce pas ?
LEE : La nouvelle de William Faulkner parle effectivement de colère. C’est la raison pour laquelle, bien que le film soit une adaptation de la nouvelle de Murakami, il s’inspire aussi en partie de l’univers de Faulkner. Le texte de l’écrivain américain raconte l’histoire de la colère d’un homme à l’égard de sa propre vie et du monde, et évoque de manière saisissante la culpabilité qu’éprouve son fils envers les crimes de son père. Murakami, lui, raconte l’histoire énigmatique d’un homme qui met le feu à des granges pour le plaisir. Finalement, les deux écrivains racontent la même histoire de deux façons contraires : si la grange de Faulkner est bien réelle, puisque c’est l’objet vers lequel il dirige sa colère, la grange de Murakami est une métaphore plutôt qu’un objet tangible.
OH : Jongsu, le personnage principal de notre film, est obsédé par cette métaphore. Je me souviens que le premier jour où nous avons commencé à parler du film, nous nous sommes arrêtés sur une vignette représentant un homme qui regarde à l’intérieur d’une serre en plastique. C’est à une serre que nous avons pensé, et pas à une grange, parce que c’est plus courant en Corée. Transparente, mais couverte de taches. L’homme regarde fixement à travers cet espace vide, de l’autre côté de cette vitre de plastique. Il m’a peut-être semblé que certains secrets de notre film se trouvaient juste là, dans cet espace vide. Contrairement aux granges en bois de Murakami, la serre en plastique est présentée comme un objet aux propriétés physiques intrinsèques.
LEE : Si les métaphores sont considérées comme la représentation d’une idée ou d’une notion, la serre délabrée du film évoque un imaginaire visuel qui dépasse le simple concept. Bien qu’elle ait une forme physique, ses murs transparents trahissent le vide à l’intérieur. C’est un objet qu’on a conçu jadis pour qu’il remplisse une fonction bien précise, et qui aujourd’hui a perdu toute utilité. C’est un objet parfaitement cinématographique, parce qu’on ne peut complètement l’expliquer au moyen d’un concept ou d’une abstraction. On trouve plusieurs de ces images qui transcendent les idées et les notions dans le film : la pantomime, le chat, et Ben, aussi. Qui est Ben, finalement ? Le chat existe-t-il vraiment ? L’histoire que raconte Haemi sur le puits est-elle vraie ? Peut-on conclure que quelque chose n’existe pas simplement parce qu’on ne le voit pas ? Contrairement aux textes, les films communiquent au moyen d’images, qui ne sont elles-mêmes que des illusions projetées sur un écran. Pourtant, les spectateurs saisissent cette illusion vide, et lui confèrent un sens. À travers ce film, je souhaitais attirer l’attention sur cette mystique qui fonde le cinéma en tant que vecteur d’informations et forme d’expression artistique.
OH : Il me semble que le mystère à l’origine du cinéma reflète le mystère de notre vie. Bien que les gens continuent à se demander quel est le sens d’un univers qui en semble dénué, le monde reste une énigme à leurs yeux. Pourtant, certaines personnes ne renoncent jamais à leur quête du sens de la vie, comme l’illustre bien la « danse de la Grande Faim » qu’exécute Haemi. Je pense souvent à ce proverbe bushman, que j’avais découvert au cours de mes recherches. Je voulais l’intégrer à une réplique du film, mais n’ai jamais trouvé le bon moment. « Tous les animaux et les objets dans l’univers sont la Grande Faim. Les étoiles dans le ciel nocturne frémissent parce qu’elles exécutent la danse de la Grande Faim, conscientes de la finitude de leur existence. La rosée du matin sur les feuilles n’est autre que les larmes versées par les étoiles ». Les ancêtres de l’humanité, les bushmen du désert de Kalahari, dansaient des nuits entières dans l’espoir de trouver le sens de la vie. Danser jusqu’à l’aube ne change peut-être pas le monde, mais c’est un moyen de transmettre de l’espoir. L’art du cinéma n’est peut-être pas si différent de la danse de la Grand Faim.
OH Jung-mi a étudié la littérature russe et anglaise à l’université de Yonsei, et obtenu un Master en littérature russe. Elle a traduit « Autres Rivages » de Vladimir Nabokov et « Un Héros de notre temps » de Mikhaïl Lermontov. Après une carrière de scénariste pour la télévision ainsi que de dramaturge, elle a étudié le cinéma à l’université nationale des arts de Corée. Elle a également réalisé des courts-métrages, notamment FITTING ROOM et MR COWPER. Depuis 2013, elle travaille en étroite collaboration avec le réalisateur LEE Chang-dong en tant que scénariste. Après avoir participé à une série de projets aux côtés du réalisateur, elle a récemment travaillé sur le scénario de BURNING.
src: Dossier de Presse du Film